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Fin août 1914 : l'hécatombe
des Berrichons et Nivernais en Lorraine
Les troupes du 95e régiment d'infanterie, venu de Bourges, sur le terrain. Date et lieu inconnus.
Source : Archives départementales du Cher / Mme Goujon.
Du 15 au 25 août 1914, des combats effroyables ont touché en Lorraine deux régiments d'infanterie venus de Bourges et de Cosne-sur-Loire. Aujourd'hui encore, plaques, monuments et commémorations rappellent le souvenir de cette hécatombe.
Vous empruntez peut-être régulièrement la rue de Sarrebourg à Bourges, entre la  place des Marronniers et la place Malus. Ce que vous ne savez peut-être pas, c'est que le nom de cette rue est lié au sort de centaines de soldats berrichons et nivernais morts ou blessés dans cette ville de Lorraine, le 19 et 20 août 1914.

Les combats de Sarrebourg ont eu lieu pendant un épisode de la Grande Guerre particulièrement meurtrier pour  les 85e et 95e régiments d'infanterie (RI), basés respectivement à Cosne-sur-Loire et à Bourges, et qui étaient composés de milliers de soldats venus du Berry et de Nièvre.
 
"Pour ces deux régiments, les combats de la fin août 1914 ont été les pires de toute la guerre", n'hésite pas à affirmer  Jean-Pierre André, secrétaire de l'Amicale des anciens des 85e et 95e RI. 

Jean-Pierre André, qui habite Saint-Germain-du-Puy, s'est beaucoup documenté sur le parcours des deux régiments pendant la Première Guerre mondiale. Fin août 1914, on en est encore à une guerre de mouvements, avant l'enlisement du conflit et l'apparition des tranchées. "Dans les états-majors français, la philosophie militaire en vogue était l'attaque à outrance, explique Jean-Pierre André. On s'imaginait que rien ne pouvait résister à une charge audacieuse de fantassins".
 
Par Jean-Baptiste Allemand

  Une des cérémonies de Sarrebourg auxquelles ont participé la délégation de l'Amicale des anciens des 85e/95e RI, le 17 août 2014. Ici, les participants se recueillent à Réding devant la stèle rappelant la mort d'un capitaine du 85e RI et de dix de ses hommes.  Source photo : Jean-Pierre André

 


Les pierres qui rappelent ces combats ne sont pas seules ; les hommes sont là pour les fleurir. Le 17 août 2014, onze membres de l'Amicale des anciens des 85e/95e RI, dont Jean-Pierre André, se sont rendus à des cérémonies commémoratives à Sarrebourg et Mattexey. "A Sarrebourg, le député-maire de la ville était présent, ainsi qu'une délégation d'une amicale régimentaire bavaroise, dont les anciens avaient combattu les Français sur ces lieux. On était tous très contents de se retrouver pour l'occasion."


 

Les deux régiments, qui ont débarqué en Lorraine dans le cadre de la Bataille des frontières après la mobilisation du 1er août 1914, ont donc payé le prix fort dès le début du conflit. Jean-Pierre André distingue trois épisodes particulièrement meurtriers, qui se sont déroulés du 15 août au 26 août 1914.

Monument aux morts à Mattexey, en hommage au 95e RI. Photo : Jean-Pierre André


Cette relation fraternelle entre la Lorraine et les 85e/95e RI, via leur amicale, est toute récente : "Les contacts ont repris en 2010, à l'occasion de la réfection du monument de Mattexey, se félicite Jean-Pierre André. Depuis 1940, notre amicale n'était pas retournée sur ces lieux !" Désormais, le lien semble rétabli : Jean-Pierre André a prévu de retourner en Lorraine en 2015.


D'après l'ancien conseiller municipal berruyer Roland Narboux, qui connaît bien l'histoire des noms des rues de Bourges, la rue de Sarrebourg a été inaugurée le 28 février 1919 à la demande du général Louis de Maud'Huy. Alors gouverneur militaire de Metz, l'officier, qui était présents lors des combats à Sarrebourg, voulait "rendre un hommage au sacrifice du 95e RI".


Dans l'autre sens, à Sarrebourg, il existe la rue des Berrichons et Nivernais. La caserne Rabier, qui abrite le 1er Régiment d'infanterie, y porte le nom du colonel Rabier, qui commandait le 85e RI. "Il fut blessé deux fois au cours des combats de fin août 1914, avant d'être tué en septembre 1914", rappelle Jean-Pierre André.




"Un monument financé
par le propriétaire de
la Dépêche du Berry"



Les lieux commémoratifs ne manquent pas non plus du côté de la Lorraine : obélisque rappelant la bataille de Sarrebourg à Bühl (commune limitrophe), stèle soulignant la mort de 11 hommes du 85e RI à Réding, monument en hommage au 95e RI à Mattexey... Pour ce dernier ouvrage, Jean-Pierre André apporte une précision intéressante : "Il fut réalisé grâce au mécénat de Jean Foucrier, fondateur du journal berrichon La Dépêche du Berry. Son fils Jean-Elie, sergent au 95e RI, avait trouvé la mort lors des combats du 25 août 1914 sur ces lieux." 



Cet épisode sanglant n'est pas très connu de nos jours en Berry et Nivernais. Pourtant bien des lieux, encore aujourd'hui, rappellent ces terribles combats.

Le secrétaire de l'amicale des anciens des 85e et 95e RI, Jean-Pierre André, montre un document qu'il a rédigé sur l'histoire des deux régiments pendant la Grande Guerre. Photo : JB Allemand
L
Le temps de la mémoire
Combats à Blâmont, le 14 août 1914. Prise d'un village fortement défendu par des mitrailleuses allemandes. 300 victimes françaises(morts, blessés et disparus).

Combats à Sarrebourg et alentours le 19 et 20 août 1914. Prise de la ville sans résistance, mais échec le 19 août d'un assaut contre les Allemands regroupés sur des hauteurs à l'ouest de la ville. Le 20 août, afflux des troupes ennemies sur Sarrebourg. Evacuation française en catastrophe. Pertes très lourdes (1/3 des effectifs de chaque régiment).


Combats à Mattexey, le 25 août 1914. Tentatives avortées de prise du village, près de la rivière Mortagne, sous les tirs des mitrailleuses allemandes.


Après ces derniers combats, "toute la région est un immense charnier, raconte Jean-Pierre André. Les cadavres des soldats français sont mêlés à ceux des soldats allemands et des chevaux. La puanteur est abominable. Des corvées de l’infanterie et du Génie sont chargées d’ensevelir les cadavres."


Par la suite, avec l'enlisement du conflit, les deux régiments s’ancrent sur la rive gauche de la rivière Mortagne et la ligne de front, dans cette zone, ne variera pratiquement plus jusqu’en 1918. Mais les combats de fin août 1914 y ont tellement marqué les esprits qu'ils ont fait l'objet, durant toute la guerre, d'un feuilleton dans le journal interne du 95e RI, Le Boyau du 95e. 

Par exemple, ce récit de l'entrée dans Sarrebourg, publié dans un des numéros du Boyau du 95e, date au moins de l'année 1916.

Cliquez sur l'image pour poursuivre votre lecture.
(source du document : Jean-Pierre André)


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